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LE PROJET DE RECHERCHE

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© Claire da Rocha Carneiro 2023

PRÉSENTATION

VERS UN CLIMATE POSITIVE DESIGN

Alors que l’activité minière et industrielle constitue une source majeure d’émissions de carbone, la reconversion des paysages désaffectés qu’elle laisse derrière elle représente une opportunité cruciale pour les architectes paysagistes : celle de créer des puits de carbone et d’agir concrètement face aux changements climatiques. À travers trois études de cas menées au Canada — à Sydney, en Nouvelle-Écosse, ainsi qu’à Thetford et Val-des-Sources, au Québec — ce projet de recherche analyse les processus de transformation des paysages post-industriels à travers le regard du design et de l’architecture de paysage.

Les sites issus de l’industrie extractive se présentent comme des territoires stratégiques dans la réponse à la crise écologique actuelle. Ils offrent un terrain fertile pour croiser sciences et design, pour penser leur vie après l'exploitation intensive des ressources naturelles et humaines. Leur reconversion représente l'opportunité de «réparer» le paysage là où il a été lourdement exploité, négligé et contaminé. Elle constitue un enjeu de bien-être tant pour les écosystèmes que pour les communautés locales. Destinée à nourrir la pratique professionnelle en architecture de paysage, cette recherche vise à développer des outils pour saisir cette opportunité de réparation. En envisageant ces paysages comme des systèmes socio-écologiques, il s’agit non seulement de favoriser la séquestration du carbone, mais aussi de répondre à des besoins sociaux et économiques propres à chaque territoire.

L’objectif est d’évaluer l’état de ces sites réhabilités selon des critères écologiques, sociaux et économiques, afin de déterminer dans quelle mesure ils s’alignent avec les principes du Climate Positive Design. Les leçons tirées de ces analyses entendent orienter de futurs projets de reconversion de sites miniers et industriels. Les résultats des enquêtes de terrain, ainsi que ceux de l’atelier de design participatif, seront présentés sur cette plateforme.

Le présent projet de recherche s'intéresse donc aux paysages post-industriels, aux paysages contaminés, aux processus de réparation du paysage et au Climate Positive Design.

Children's drawings imagining the future of Sydney Tar ponds

© Thomas Dufresne 2023

ÉTUDES DE CAS

Sydney

OPEN HEARTH PARK, SYDNEY, NOUVELLE-ÉCOSSE

Open Hearth Park, Sydney

© Benoît Seveno 2016

Vue d'Open Hearth Park

Former worker's neighbourhood, view from Open Hearth Park, Sydney

Vue sur un ancien quartier ouvrier depuis Open Hearth Park

Toxicity-control tool in Open Hearth Park

© Claire da Rocha Carneiro 2023

Borne de contrôle de la Toxicité du sol

© Claire da Rocha Carneiro 2023

Le parc Open Hearth est situé sur ce qui fut autrefois l’un des sites industriels les plus contaminés du Canada : les anciens Sydney Tar Ponds (« marres de goudron » de Sydney), héritage d’un siècle de production de charbon et d’acier au Cap-Breton. L’essor industriel commence à la fin du XIXe siècle, lorsque la Dominion Coal Company puis la Dominion Iron and Steel Company stimulent une croissance urbaine rapide et font de Sydney un acteur clé de l’économie nationale. À son apogée dans les années 1950, l’aciérie employait près de 6 000 travailleurs.

Cependant, avec l’évolution de l’industrie mondiale, les installations de Sydney deviennent obsolètes. Le déclin commence dans les années 1960, entraînant pertes d’emplois, difficultés économiques et inquiétudes environnementales. Nationalisée pour retarder sa fermeture, l’industrie survit tant bien que mal jusqu’en 2000. À ce moment-là, les Tar Ponds contenaient des centaines de milliers de tonnes de boues toxiques — environ 700 000 tonnes de résidus contaminés au goudron de houille, aux métaux lourds et aux hydrocarbures. Le site était considéré comme l’un des plus toxiques d’Amérique du Nord.

Les préoccupations sanitaires des habitants — tant physiques que psychologiques — n’ont cessé de croître au fil des décennies. Après plusieurs tentatives d’assainissement avortées, un vaste programme de décontamination est finalement mené à bien au début des années 2000. Dans le cadre de cette opération, le site a été transformé en espace public. Ouvert en 2013, Open Hearth Park offre aujourd’hui sentiers, terrains de sport et lieux de rassemblement là où se dressaient autrefois les infrastructures lourdes de l’industrie.

Thetford

THETFORD, QUÉBEC

Tailings and mine headframe in Thetford

© Tourisme Chaudières Appalaches

Vue des haldes et d'un ancien chevalet de mine à Thetford

Centre historique de la Mine King KB3, Thetford

Le Centre historique de la Mine King KB3 et son parc

© Heather Braiden 2019

Située dans la région des Appalaches, entre Sherbrooke et Québec, Thetford Mines est née de l’essor fulgurant de l’industrie de l’amiante à la fin du XIXᵉ siècle. Après la découverte d’un important gisement en 1876, l’exploitation minière s’est rapidement développée, entraînant la fondation de la ville pour soutenir ce secteur en pleine croissance. Pendant une grande partie du XXᵉ siècle, Thetford a été l’un des principaux producteurs d’amiante au monde.

L’activité minière a façonné non seulement l’économie locale, mais aussi le paysage. De vastes haldes grises — résidus de l’extraction — ponctuent aujourd’hui la région, tranchant nettement avec les lacs et forêts environnants.

Avec la prise de conscience des risques sanitaires liés à l’amiante dans les années 1980, l’industrie a amorcé un déclin rapide. Les dernières mines de la ville ont fermé en 2012. Depuis, des efforts de réhabilitation ont été entrepris : des projets de reboisement ont permis d’adoucir certaines portions du territoire industriel, et en 2016, le Centre historique de la Mine King KB3 a ouvert ses portes , comme centre d'interprétation de l'histoire minière de la région. En 2018, le Canada a officiellement interdit l’usage, l’importation et l’exportation de l’amiante, tournant ainsi une page majeure de l’histoire de la ville et de la province du Québec toute entière.

VAL-DES-SOURCES, QUÉBEC

Val-des-Sources
View of the pit, Val-des-Sources, 2023

© Émy Gervais 2023

View of the Place de la Traversée, Val-des-Sources

© Claire da Rocha Carneiro 2023

Public seats on the Place de la Traversée, Val-des-Sources

© Claire da Rocha Carneiro 2023

La troisième étude de cas porte sur l’ancienne mine Jeffrey, située à Val-des-Sources, une ville du sud-est du Québec autrefois nommée Asbestos (« amiante » en anglais). Comme à Thetford Mines, l’histoire de cette communauté est étroitement liée à l’extraction de l’amiante chrysotile. 

 

L’exploitation minière débute en 1879, et la forme circulaire du gisement a conduit à la domination d’une seule grande entreprise — Johns-Manville — contrairement aux opérations plus dispersées de Thetford. Au fil du temps, la mine s’est transformée en une immense carrière à ciel ouvert, qui connût de nombreux agrandissements après la Première Guerre mondiale pour répondre à la demande mondiale. Ses parois en gradins, taillées en larges terrasses, sont devenues une caractéristique emblématique de la ville. Mais cette expansion a eu un coût : des quartiers entiers ont été détruits au fur et à mesure que la fosse gagnait du terrain dans le tissu urbain. En 1967, près de la moitié du territoire de la ville avait déjà été engloutie par la mine.

L’activité minière a non seulement remodelé la configuration de la ville, mais aussi transformé son relief, les matériaux extraits s’accumulant en vastes haldes autour du puits profond de 350 mètres. Pendant des décennies, les besoins industriels ont primé sur toute autre utilisation du paysage. À son apogée, la mine Jeffrey était la plus grande carrière d’amiante chrysotile au monde, et la majorité de la production mondiale d’amiante provenait du Québec, majoritairement de ce site.

Comme à Thetford, face à la montée des inquiétudes sanitaires liées à l’amiante et à l’effondrement de la demande mondiale, la ville a dû affronter un avenir incertain. L’exploitation minière a définitivement cessé en 2012. Depuis, les élus et les habitants ont commencé à réfléchir à l’avenir du site. Aujourd’hui, Val-des-Sources explore différentes pistes pour intégrer l’ancienne mine dans une vision plus large de renouvellement urbain et de développement durable — un projet encore en cours de construction.

ATELIER DE DESIGN PARTICIPATIF

À l’automne 2023, l’équipe de recherche, en collaboration avec des étudiants de la faculté d’aménagement de l’Université de Montréal, a organisé un atelier citoyen à Val-des-Sources. Autour de plusieurs activités, l’atelier avait pour objectif d’imaginer ensemble des scénarios pour le futur de la Mine Jeffrey.

 

TROIS MOMENTS FORTS DE L'ATELIER :

Raconter la ville en images
À partir de photos de lieux partagés par les citoyens eux-mêmes sur les réseaux sociaux, les participants ont évoqué souvenirs, émotions et histoires personnelles liées à leur territoire, nous faisant part de ce qui rend Val-des-Sources unique à leurs yeux.

S’inspirer d’ailleurs pour rêver ici
Des projets de reconversion de sites miniers à travers le monde ont été présentés par les étudiants. Les habitants ont réagi, identifié les idées qui résonnaient avec leur vision du lieu, et exprimé leurs réticences pour d’autres. Ce moment d’échange a permis de nourrir la réflexion avec des références concrètes.

Partager ses rêves les plus fous

Les habitants ont laissé libre cours à leur imagination pour penser l’avenir de la mine : sentiers de randonnée, kayak, VTT, parcours nature, mise en valeur du paysage minier… mais aussi création d’une place publique permanente inspirée de l’actuelle Place de la Traversée, véritable coup de cœur de la communauté.

CE QUE L'ON RETIENT :

Un attachement fort au patrimoine minier
La mine fait partie de l’identité locale. Les participants ont souligné la beauté du site, exprimé leur crainte de voir disparaître ses traces visibles, et affirmé leur volonté de préserver et transmettre cette mémoire.

Un territoire à reconnecter avec la nature et la communauté
Le site, déjà réapproprié par la nature (arbre, cerfs, grenouilles...), est vu comme un lieu de potentiel, à la fois naturel et patrimonial. Le souhait de reconnecter le quartier Saint-Barnabé, marqué par l’histoire ouvrière et coupé du centre par les agrandissements successifs du puits, est également revenu avec insistance.

Un espace à réinventer ensemble
La richesse des idées exprimées montre à quel point les habitants sont prêts à s’impliquer pour façonner un avenir qui leur ressemble : respectueux de l’histoire, ouvert à la nature, et propice à de nouveaux usages.

À PROPOS DU CLIMATE POSITIVE DESIGN

La désignation Climate Positive Design (CPD) a été créée en 2019 par un collectif d'architectes paysagistes et professionnels de l'urbanisme et du design urbain. Selon le site officiel du label, " la mission du Climate Positive Design est d'apporter une contribution significative à l'inversion du réchauffement climatique à travers l'environnement bâti extérieur ".

Face au constat que l'environnement bâti représente 75% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), les fondateurs du CPD ont souhaité développer un cadre d'action contre le changement climatique destiné aux professionnels du domaine. La mission du CPD va au-delà de la neutralité carbone : l'objectif est, collectivement, d'éliminer autant de CO2 de l'atmosphère que possible dans les environnements extérieurs bâtis et naturels, tout en produisant des co-bénéfices environnementaux, sociaux, culturels et économiques.

Le groupe fournit des conseils et développe des outils et ressources pour aider à concevoir des projets d'aménagement qui respectent ces principes. De tels projets visant à séquestrer plus de GES qu'ils n'en émettent, ils sont fondés sur des recherches nourries de données évaluant concrètement leur impact sur l'environnement. Ainsi, leur planification et conception sont pensées pour gérer et atténuer ces impacts.

Notre projet de recherche s'inscrit dans la mission du Climate Positive Design, visant à évaluer les effets environnementaux, sociaux et économiques des projets de reconversion des paysages miniers, ainsi qu'à enrichir la pratique du CPD.

De plus amples informations sont disponibles sur le site web dédié : climatepositivedesign.com.

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